Gaëtan de Séguin : Le singulier et le multiples

Gaëtan de Séguin : Le singulier et le multiples

Nicolas Sarazin | 11 oct. 2019 5 minutes de lecture 0 commentaires
 

Gaëtan de Séguin aime peindre des personnages, qu’il multiplie volontiers pour en faire des foules. Plus récemment, il a peint des paysages… un par toile, mais a choisi ensuite d’associer ces toiles pour en faire des « foules de paysages ». Rencontre avec un artiste qui aime cette confrontation entre le singulier et le multiple, quel que soit le sujet.

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En janvier 2015, des terroristes font irruption dans la rédaction de Charlie Hebdo et tuent plusieurs personnes dont les dessinateurs emblématiques du titre.  Dans ses terres audoises, Gaëtan de Séguin qui a toujours peint des personnages ou des silhouettes humaines depuis son enfance, réagit immédiatement avec son pinceau : « J'ai tout de suite eu envie de voir mes personnages se rassembler et déborder de la toile. Des foules denses ou clairsemées, gaies, dignes, silencieuses ou rugissantes, poignantes ou abjectes, etc... ».

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Les foules apparaissent. Des personnages nombreux sur la toile, mais qui ne fonctionnent que par leur intégration à l’ensemble. Parfois, ils sont rapidement individualisés (des stries, des rayures de couleurs différentes, des cercles, mais quasiment jamais de visages), mais le travail reste un travail sur la masse : « Je recouvre ma toile d’une couleur dominante très dense, presque criarde. Ensuite cette sous-couche est entièrement recouverte. La tonalité redevient claire et les teintes se fondent dans un camaïeu de gris colorés. A partir de là je peux commencer à peindre en ajoutant ou en soustrayant de la matière. La musique que j’écoute alors va rythmer l’apparition du groupe. En grattant avec les outils les plus divers je peins tout autant qu’avec brosses et pinceaux. Chaque aspérité, chaque rayure est un motif unique qui caractérise l’individu tout autant qu’il lui permet de se fondre dans une dimension beaucoup plus globale et abstraite ».

A ses peintures, l’artiste va bientôt rajouter des foules en relief, en travaillant avec son voisin, ébéniste, et créateur de mobilier contemporain Eric Blanc. Celui-ci a des idées à revendre et un outillage qui lui permet un travail de découpe pointu dans différents matériaux dont le corian. Les panneaux de bois prolongent les peintures : une même famille de foules, parfois en couleurs, parfois en relief, mais qui se donnent pour ce qu’elles sont, une masse, un ensemble dont il est difficile d’extraire un individu. C’est tellement évident que dans sa dernière exposition, au printemps 2017 à l’Abbaye Saint André de Villeneuve-les-Avignon (30), l’artiste avait réalisé un triptyque composé d’une foule… en invitant les visiteurs à personnaliser chacun des personnages, à l’aide de feutres à disposition.

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Et puis de temps en temps, certains personnages s’extraient de la foule. La toile choisit alors le personnage comme sujet à part entière, mais la foule reste présente, parfois en filigrane discret dans le fond du tableau. L’individu tire sa singularité du seul fait de sortir de cette masse qui sature l’horizon. Il n’a pas forcément de visage, mais il a une activité : il joue, il médite, il retrouve une vie de couple, etc. La vie reprend ses droits.

Plus récemment, l’artiste a poursuivi ce travail sur le singulier et le multiple, mais appliqué aux paysages. Gaétan de Seguin peint volontiers des paysages, c’est même une nécessité pour son équilibre : il vit au milieu de la campagne audoise et cet environnement est au cœur de son travail. Contrairement aux foules, où c’est le multiple qui a mené à l’individu, ici c’est l’inverse : le peintre peint un petit paysage, sur un petit format (20 x 20), puis un autre sur une autre toile, encore un autre, sur une troisième toile, indépendante des deux premières. Comme dans ses grands paysages, l’artiste aime à animer ses paysages par une présence humaine, plus ou moins précise, plus ou moins fantomatique. Chaque petit carré est ainsi une scène qui se suffit à elle-même.

Mais l’artiste a été repris par l’envie d’assembler, de réunir, de faire se dialoguer ces différentes scènes.  Il a donc commencé à les étaler devant lui, et à chercher comment elles pourraient dialoguer entre elles :  « Je n’ai pas conçus ces paysages pour cela au départ, mais je cherche jusqu’à ce que je trouve des tableaux qui se répondent, le plus souvent par la tonalité, mais parfois aussi par le jeu des lignes de construction». Et voilà comment ces paysages sont devenus des morceaux d’une œuvre plus complexe, composée de neuf, voire de 16 pièces, qui, assemblés, semblent donner un aperçu d’un lieu vu sous différents angles. Ce ne sont plus les personnages qui se pressent tous pour rentrer dans la toile, ce sont les toiles qui se serrent les unes contre les autres pour proposer un patchwork qui renouvelle le regard.

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En parallèle de ce travail de peintre, la collaboration avec l’ébéniste Eric Blanc a donné naissance à un nouveau travail : « Avec notre travail à quatre mains sur les foules, j’ai pu voir comment le corian est vraiment un matériau qui se prête à toutes les fantaisies ». Après avoir découpé des silhouettes de foules, les deux hommes ont adapté le principe à la création de plusieurs meubles contemporains qui ont séduit la galerie Mougin, située rue de Lille à Paris et qui n’expose que des meubles uniques. Les deux artistes sont en train de concevoir ensemble une troisième création… le début d’un nouvel ensemble.  Texte : A.D

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Gaëtan de Séguin est né en 1971 à Montpellier au sein d’une famille de cinq enfants. 

Un peu d’école, un peu de service militaire, une formation artistique (ESAG Penninghen), puis différents métiers liés de près ou de loin au dessin et enfin le choix plus radical de la peinture. 

« Depuis toujours j’ai souhaité deux choses : vivre dans un endroit bien précis et «vivre» de ma peinture » : l’artiste vit et travaille donc entouré des siens (sa femme et ses trois enfants) dans une maison/atelier qu’il a bâtie sur une période de dix ans, à Marcorignan, près de Narbonne.

Galeries

Actuellement représenté par
- la Galerie Visiodellarte à New York
- la Galerie MMB à Avignon
 - la Galerie Mougin à Paris

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