Pride Month : 4 Artistes Légendaires qui ont questionné l’Identité et le Genre

Pride Month : 4 Artistes Légendaires qui ont questionné l’Identité et le Genre

Bastien Alleaume | 11 juin 2021 6 minutes de lecture 1 commentaire
 

Pour fêter comme il se doit le Mois des Fiertés 2021, Artmajeur a décidé de mettre à l’honneur des artistes mythiques et leurs œuvres qui interrogent sur les questions de genre et d’identité.

Si l’on devait retenir quelque chose d’Harry Potter, c’est bien que personne ne devrait être obligé de vivre dans un placard. 
Qu’ils soient hétérosexuels, bisexuels, homosexuels, transsexuels, transgenres, pansexuels, queer, LGBTQ+ friendly ou non-binaires, de nombreux esprits créatifs ont su se moquer des étiquettes imposées pour revendiquer une acceptation de soi - et de l’autre - libérée de contraintes sociétales poussiéreuses. Aujourd’hui, revenons en images sur 4 artistes de génie qui ont bouleversé les codes du genre.

 1. Frida Kahlo


L’indomptable artiste mexicaine ne pouvait évidemment pas être écartée de ce classement - et ça tombe bien, à la rédaction, on l’adore ! 
Après avoir évoqué sa fascinante trajectoire de vie dans notre article sur 3 artistes torturés au destin tragique, et après avoir mis en évidence son féminisme décomplexée au sein du microcosme artistique misogyne du milieu du 20ème siècle (4 Femmes Extraordinaires qui ont Bouleversé l’Histoire Très Patriarcale de l’Art), nous nous intéressons aujourd’hui aux (nombreux) apports de l’artiste dans la quête de l’émancipation charnelle et la lutte contre les discriminations liées au sexe.

Bien qu’elle fut ouvertement bisexuelle, Frida Kahlo n’a jamais souhaité mettre en avant cette thématique dans ses œuvres. En revanche, on recense de nombreux chefs-d’œuvre dans lesquels l’artiste questionne son identité de genre, dont la plus éloquente est certainement L'Autoportrait aux cheveux coupés (1940).

Frida Kahlo, Autoportrait aux Cheveux Coupés, 1940. MoMA, New York.

Cette œuvre fait suite à sa rupture brutale avec Diego Rivera, son âme sœur, qui la plongea dans un intense désespoir. Dans ce portrait, on l’aperçoit assise au centre d’une pièce vide, vêtue d’un costume terne et trop large, un ciseau à la main droite, et des mèches de cheveux éparpillées tout autour d’elle. L’artiste jette un regard tranquille, fier, défiant l’observateur. 

Généralement, délaissement (divorce) et cheveux coupées (perte d’attractivité) sont synonymes de déshonneur et d’humiliation. Pourtant, la pose de Frida et son regard dédaigneux ne coïncident pas avec ces allégations. Le message qu’elle cherche à nous transmettre est bien plus positif : la confiance en soi permet de retrouver sa dignité perdue. Au diable les vieux dogmes tirés par les cheveux, Frida se débarrasse ainsi de son rôle teinté de féminité et de beauté servile, pour atteindre un apaisement bien mérité. Ici, on jugera sa personnalité par le seul prisme de sa créativité et sa liberté d’être. Cet autoportrait est une chrysalide avec laquelle l’artiste opère une mutation de sa trajectoire de vie.

2. Andy Warhol et Christopher Makos


Qu’on l’adore ou qu’on le déteste, Andy Warhol a habilement réussi à bousculer les codes archaïques de l’art contemporain et de son commerce. Aujourd’hui, nous ne nous intéresserons pas à ses œuvres recyclant la culture populaire (souvent à outrance), mais nous mettrons en lumière une série de clichés photographiques moins célèbres et pourtant bien plus audacieux.

Christopher Makos, Altered Images, 1981.

Réalisée en compagnie de son ami photographe Christopher Makos, cette série baptisée ‘Altered Images’ met en scène Andy Warhol dans un style tout à fait inédit – sorte de drag-queen casual chic – avec différentes perruques, cravates et maquillages fantaisie.

On sait que l’artiste américain, aussi célèbre que controversé, menait une vie d’abondance et d’excentricité. Extraverti et ouvertement gay, ses nombreux amis originaux et talentueux (Keith Haring, Basquiat...) avaient l’habitude de lui raconter des histoires et anecdotes intimes pour stimuler sa créativité. Cette série photo, comme de nombreuses œuvres et dessins de l’artiste, apporte une pierre à l’édifice de la déconstruction des normes de genre et d’identité qui faisait tant souffrir le jeune Andy, stigmatisé et discriminé dans sa jeunesse pour son extravagance inhabituelle et son orientation sexuelle injustement anormalisée (bienvenue dans les années 40).

 3. Lucian Freud


L’art de Lucian Freud est si symbolique qu’il en devient presque psychanalytique. Difficile de ne pas s’attendre à des montagnes de réflexions en analysant l’œuvre du petit fils de l’illustre Sigmund Freud. Même si l’artiste anglais a entretenu une relation épistolaire amoureuse avec le poète Stephen Spender dans sa jeunesse, ses aspirations se sont ensuite clairement dirigées vers l’hétérosexualité. Il a d’ailleurs eu plus de 14 enfants avec des femmes différentes, battant ainsi le record autrefois détenu par le roi de l'art moderne, Pablo Picasso et ses mœurs douteuses.

Lucian Freud, Nude with Leg Up, 1992. Smithsonian Museum, Washington DC.

Devenu rapidement maitre dans l’art de la peinture de nus, Lucian Freud souhaitait surtout mettre son génie du pinceau au service du réalisme. Pour figer sur la toile ces corps nus, tortueux, colorés et disgracieux, le peintre s’évertuait à sélectionner des modèles peu communs, loin de l’académisme classique. Hommes, femmes, personnes âgées, jeunes, obèses, rachitiques, riches ou pauvres, cela n’avait que peu d’importance pour Lucian. Il souhaitait surtout peindre des silhouettes et corpulences peu communes, qu’il savait sublimer de quelques coups de pinceau.

Lucian Freud, Benefits Supervisor Sleeping, 1995. Collection privée. 

Parce qu’il ne se focalisait pas seulement sur la représentation du corp féminin parfait (comme la tradition artistique le voulait), son art a permit de révolutionner le genre, tout en luttant contre les discriminations liées au sexe, à l’âge ou à l’embonpoint disgracieux. Grâce à l'artiste et à ses toiles, le spectateur peut alors plus facilement s’accepter lui-même, avec ses imperfections et les subtilités de son enveloppe corporelle. Bouleverser les codes et contribuer au bonheur de l’humanité, n’est-ce pas ce que l’on doit attendre d’un artiste de génie ?

 4. Keith Haring

Aussi évidente que celle de Frida Kahlo, la présence de Keith Haring dans cet article ne surprendra personne. Artiste génial, peintre de l'avant-garde et illustre personnalité LGBT, Keith Haring a dédié sa vie à la démocratisation de l’art et à l’embellissement du quotidien des New Yorkais. Emporté par les ravages du Sida à seulement 31 ans, il est encore aujourd’hui acclamé aux quatre coins de la planète pour ses œuvres simplistes, linéaires et pourtant étonnamment bavardes.

Si son art devait être résumé en un seul mot, ce serait certainement « décomplexé ». Avec un style pictural aux antipodes de l'art abstrait, il réalisa énormément de fresques et de dessins vecteurs de messages, parfois joyeux, parfois violents, et souvent mélancoliques. Ses traits ont une apparence enfantine, ses dessins sont accessibles au plus grand nombre et facilement compréhensibles pour un jeune public. Pourtant, leurs propos sont généralement forts, virulents et décrivent des situations pénibles ou délicates telles que l’homophobie, le racisme, la maladie, les violences conjugales ou le sexe.

Ces sujets rudes et complexes sont issus de plusieurs siècles de dogmes sociétaux et d’héritage normatif plus ou moins ridicule. Pourtant, avec une aisance tout à fait particulière, il parvient à les aborder sans heurter, facilement, paisiblement, les rendant presque absurdes. Avec lui, les idées préconçues et les discriminations nous paraissent aussi périssables qu’un graffiti dans le métro newyorkais.
Il simplifie l’art, il simplifie la vie, en bref : il décomplexe.

Keith Haring, Sans titre, 1988. 

Cet article est une sélection de morceaux choisis qui ne reflètent évidemment pas la diversité des artistes et des œuvres ayant contribués à la cause LGBTQIA+ et la lutte contre les discriminations liées au genre. Nous aurions également pu citer Cindy Sherman, Robert Mapplethorpe, Tracey Emin, Ricky Cohete, Kehinde Wiley… ou encore les iconiques duos Gilbert and George et Pierre et Gilles.
Quoi qu’il en soit, ces prises de position sont de moins en moins anecdotiques, ce qui semble de bonne augure pour l’avenir : les mentalités évoluent, ces thématiques apparaissent moins « choquantes » pour l'opinion publique, et le monde de l’art semble bien en avance sur d’autres secteurs dans cette acceptation de l’autre - de ses choix, de ses envies et de ses aspirations.

Kehinde Wiley, The Siesta, 2019. 

Pour les plus curieux, n’hésitez pas à parcourir notre sélection d’œuvres d’art dédiées au Mois des Fiertés, disponibles sur Artmajeur.

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